« Par Jugement en date du 19 avril 2022, la SAS Deliveroo France, prise en la personne de ses représentants légaux entre avril 2015 et décembre 2017, a été condamnée pour le délit de travail dissimulé au paiement d’une amende délictuelle de 375.000 euros et à indemniser au titre des préjudice subis les livreurs qui se trouvaient être en réalité des salariés »
Il s'agit là des termes du jugement rendu le 19 avril 2022 par le Tribunal correctionnel de Paris que l’on peut lire en première page du site internet de la plateforme Deliveroo pendant un mois.
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Le 8 mars 2022, le premier procès pénal de la plateforme Deliveroo s’est ouvert pour statuer sur les chefs de travail dissimulé, entre 2015 et 2017, de deux mille livreurs sous un statut de travailleurs indépendants alors qu'ils auraient dû être qualifiés et considérés comme des salariés soumis au droit du travail.
Cette affaire s’avère plus complexe qu'en matière civile, où il « suffit » de prouver que la relation de travail s'exerçait dans des conditions matérielles permettant de caractériser la subordination juridique du travailleur. Selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, une entreprise ne peut être condamnée de plein droit pour travail dissimulé en cas de requalification des contrats car « le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié » (Cass. soc, 3 juin 2009, n° 08-40.981). Ainsi, l’intention délictuelle de Deliveroo peut s’avérer difficile à caractériser, ce doute profitant nécessairement à l’entreprise.
Le Tribunal Correctionnel de Paris a tranché sur la question de travail dissimulé, et condamne la société Deliveroo à une amende de 375.000 euros pour ne pas avoir salarié leurs livreurs entre 2015 et 2017.
Deux anciens dirigeants sont quant à eux condamnés à un an de prison avec sursis. L’entreprise devra également verser des dommages et intérêts aux parties civiles, composés de cinq organisations syndicales de salariés et d’anciens coursiers.
Enfin, cette décision de justice, pour le moins historique, devra être affichée devant les locaux de Deliveroo France pendant un mois.
Les juges ont considéré que la plateforme avait fait travailler, en connaissance de cause, des livreurs indépendants néanmoins soumis à un lien de subordination avec leur employeur, ce qui justifie la caractérisation de travail dissimulé. Deliveroo se voit accusé d’ « habillage juridique fictif ne correspondant pas à la réalité de l’exercice professionnel des livreurs » en raison du non-versement des cotisations sociales, lui permettant ainsi de s’exonérer des inconvénients du statut d’employeur. Ce système murement réfléchi a donc permis à la plateforme de mettre en place une « dissimulation systématique » d’emplois de livreurs qui auraient dû être salariés non indépendants, et d’employer des livreurs à « moindres coûts ».
Un jugement d’apparence sévère mais qui nous parait légalement justifié, pour lequel la société Deliveroo envisage de faire appel.
Ainsi, ce procès s'inscrit dans l’aire de réflexion portée, d'une manière générale, sur le statut des livreurs, qui se joue au niveau français mais également au niveau européen. La Commission européenne a d’ailleurs présenté en décembre un projet de directive sur les conditions de travail offertes par les plateformes de livraison.
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