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Hydroxychloroquine : Le point sur les dernières évolutions règlementaires et jurisprudentielles

Face à la multiplication des informations qui circulent concernant l’encadrement juridique de l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour lutter contre le Covid-19, il nous paraissait nécessaire de faire un point sur les dernières évolutions règlementaires et jurisprudentielles qui ont été nombreuses ses dernières semaines :

13 janvier 2020 : Arrêté de la ministre des solidarités et de la santé qui classe l'hydroxychloroquine sur la liste II des substances vénéneuses soumise à prescription médicale.


Il convient de préciser que cet arrêté a été pris après avis favorable de l’Anses (Agence national de sécurité sanitaire alimentaire, environnement, travail) du 12 novembre 2019 suite à demande formulée le 8 octobre 2019 par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en raison des similitudes de l'hydroxychloroquine avec la chloroquine déjà classée sur liste II des substances vénéneuses soumise à prescription médicale.

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- 23 mars 2020 :
Avis du Haut conseil de la santé publique qui dans le prolongement du retentissement médiatiques des annonces faites par les équipes de l’IHU de Marseille a indiqué qu’il n’existait "actuellement pas de données permettant d’envisager l’utilisation hors protocole de l’hydroxychloroquine en prophylaxie du Covid-19", renvoyant les prescripteurs à leur responsabilité encas de la prescription de médicaments comme l’hydroxychloroquine dans des indications hors AMM, en dehors du cadre d’essais clinique.


Nous vous renvoyons à ce titre, à l’article que nous avions alors rédigé sur les risques pour un médecin de prescrire un tel médicament pour traiter ses patients atteints du Covid-19.

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- 25 mars 2020 :
Décret n°2020-314 autorisant la prescription l’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ ritonavir "sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile"

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- 26 mars 2020 : Décret n°2020-337 venant limitant substantiellement les effets de l’autorisation accordée par le décret publiée la veille en ce qu’il précise que cette prescription ne peut intervenir qu’après "décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe".


D’un point de vue strictement juridique, on peut légitimement s’interroger sur les motifs ayant conduit le Ministère des solidarités et de la santé a changé de position dans ce délai court de 24 heures.

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- 28 mars 2020 : Ordonnance du Conseil d’Etat qui, saisi d’une requête en référé-liberté, rejette la demande du Syndicat des Médecins Aix et Région de prendre toutes mesures utiles "pour fournir et autoriser les médecins et hôpitaux à prescrire et administrer aux patients à risque l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine",  le Conseil d'Etat considérant :

D’une part que les études disponibles au jour de la décision et notamment la "recherche a ensuite été conduite, du 5 au 16 mars 2020, par une équipe de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille en utilisant l’hydroxychloroquine en association avec un antibiotique l’azithromycine, chez vingt-six patients", souffrent "d’insuffisances méthodologiques",

D’autre part que "l’essai clinique européen "Discovery", devrait apporter ses premiers résultats dans une dizaine de jour,

De sorte que les mesures prises aux termes des deux décrets précités ne constituent pas, selon le Conseil d’Etat, une « atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie et au droit de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé »


Le Conseil d’Etat précise néanmoins, dans sa motivation, que sa décision a été prise au regard des déclarations du représentant du ministère des solidarités et de la santé selon lesquelles les données acquises de la science seraient susceptibles d’évolution dans "des délais très rapide".

Aussi le Conseil d’Etat laisse-t-il la porte ouverte à un infléchissement de position en fonction des nouveaux essais cliniques qui pourraient lui être soumis dans le cadre d’une nouvelle saisine, étant notamment relevé que le dernier essai réalisé et publié le 27 mars par l’IHU de Marseille mené sur 80 patients n’a pas été pris en compte dans sa décision du 28 mars.

En l’état, les médecins conservent quoi qu'il en soit la possibilité, sous leur responsabilité, de proposer le traitement à leur patients positifs au Covid-19, le Conseil d’Etat réaffirmant le principe de liberté de prescription du médecin et la liberté fondamentale des patients de recevoir "sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin" 

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- 28 mars 2020 : Ordonnance du Tribunal Administratif de la Guadeloupe qui a enjoint le CHU de la Guadeloupe et l’ARS de la Guadeloupe "de passer commande, sans attendre, des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de Covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU" au regard "des résultats encourageants dans le traitement de cas sévères d’infections au nouveau coronavirus ».


Le Tribunal a considéré que nonobstant la prudence qu’il faut avoir sur les résultat de cette étude, il lui apparait nécessaire "d’anticiper les besoins de la populations sauf à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie"

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- 4 avril 2020 : Le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du Tribunal administratif de la Guadeloupe ayant donné injonction au CHU de la Guadeloupe et l’ARS de la Guadeloupe de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par hydroxychloroquine et azithromycine.

 
Le Haute juridiction écarte ainsi l’argument retenu par le Tribunal administratif selon lequel il lui apparaissait nécessaire d’ « anticiper » les besoins de la population dans l’hypothèse où les « résultats encourageants » se confirmerait, le Conseil d'Etat considérant :

D'une part, que les stocks sont suffisants pour leur utilisation dans le cadre extrêmement limité prévu par le décret du 26 mars 2020,

D'autre part, qu'il ne peut être reproché au CHU et l’ARS ne pas anticiper les résultats d’essais cliniques attendus « prochainement », dont celui démarré le 1er avril par le CHU d’Anger ;

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- 6 avril 2020 :
Ordonnance du Tribunal administratif de Marseille qui, s'appuyant sur une motivation identique à celle développée par le Conseil d'Etat (avec la même référence à l'essai clinique "Discovery" et à l'essai clinique du 1er avril) rejette la requête en référé visant à enjoindre, sous astreinte, l'ARS à "lancer tous appels d’offres, passer toutes commandes, recueillir tous dons en vue d’être pourvue le plus rapidement possible d’un stock comprenant les doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine tel que défini par l’IHU Méditerranée infection pour le traitement du nombre prévisible de patients qui seront infectés pendant la durée d’urgence sanitaire"


Nul doute que ces dernières décisions ne viendront pas clore la polémique, entre les tenants de la rigueur scientifique et ceux qui reprochent justement au pouvoir public un manque d’anticipation à travers l’application du « principe de précaution ».

A suivre...



Alexis REYNE
Avocat au Barreau de Marseille
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