A l’occasion de la 14eme journée de Ligue 1, le match opposant les deux grandes équipes l’Olympique Lyonnais et l’Olympique de Marseille, disputé au Groupama Stadium, n’aura été que de courte durée. La rencontre fut interrompue à la suite d’un jet de bouteille en plastique sur le joueur marseillais Dimitri PAYET par un supporter adverse.
Après une réunion urgente entre les dirigeants, le préfet, le corps arbitral et les délégués, l’arbitre Ruddy BUQUET décide de reprendre le match. Quelques temps après, bien que les joueurs lyonnais soient revenus sur le terrain alors le Club de l’OM refusait de continuer le match, l’arbitre revient sur sa première décision et choisit finalement d’interrompre définitivement la rencontre de Ligue 1, attestant qu’il n’avait jamais réellement donné son accord pour la reprise de celle-ci.
 
Manque de transparence des décisionnaires, temps d’attente excessivement long, remise en cause de la sécurité des joueurs : autant d’interrogations qui gravitent autour d’une seule question essentielle : qui est réellement compétent pour prendre la décision de continuer ou d’interrompre un match de Ligue 1 ?
 
Que dit le règlement de la LFP ? 
En vertu de l’article 549 du règlement et des statuts de la LFP ainsi que du règlement des Championnats de France relatifs à la procédure en cas d’incidents de match, il est énoncé que « un match peut être interrompu, à plusieurs reprises, par l’arbitre, pour une durée indéterminée, en raison d’incidents graves pouvant entraîner ou non un retour des joueurs et de l’équipe arbitrale aux vestiaires ».  
Autrement dit, seul l’arbitre est décisionnaire dans le choix d’arrêter ou de continuer la rencontre. Néanmoins, le règlement de la LFP ne donne pas d’indication sur la notion d’« incidents graves ». Le jet de bouteille dont a été victime le joueur Dimitri PAYET semble pour autant être révélateur d’un grave incident ayant entrainé le retour des deux équipes dans leurs vestiaires respectifs.
L’article 549 mentionne également que « le match ne peut reprendre que si les incidents graves ont cessé. Si la ou les interruptions de match ont manifestement été inefficaces, l’arbitre doit, en dernier ressort, après consultation des délégués de la rencontre et des représentants des autorités publiques, arrêter définitivement le match ».
A la stricte lecture du texte, il est sous-entendu que le match aurait pu reprendre, même à la suite de cet incident, si ce dernier n’avait pas été réitéré. Or, ni l’arbitre, ni les dirigeants, ni le corps décisionnaire n’aurait pu attester avec certitude que cet évènement ne se serait pas reproduit au cours du match. En effet, comment prédire que les supporters n’auraient pas essayé de cibler un joueur de l’équipe adverse avec d’autres projectiles ? Face à cette fâcheuse hypothèse, et compte tenu des différentes altercations similaires survenues à l’occasion de précédents matchs impliquant l’Olympique de Marseille, il semble cohérent que l’arbitre est décidé d’interrompre la rencontre.
 
La décision finale sur la continuité du match est donc belle et bien prise par le seul arbitre du match, à condition cependant qu’il ait, au préalable, entendu les avis des différents protagonistes du sport, à savoir en l’espèce les dirigeants des deux clubs Jean-Michel AULAS et Pablo LONGORIA, le corps arbitral dont Ruddy BUQUET, le préfet de la région Pascal MAIHOS et la vice-Procureure.
 
Le règlement finit par énoncer que « de tels incidents relèvent de la compétence de la Commission de Discipline de la LFP. Toute décision de la Commission de Discipline est renvoyée pour enregistrement à la Commission des Compétitions […] », propos confirmés par l’article 44 du règlement intérieur de la Fédération Française de Foot qui précise qu’ « en cas de faits importants ou d'incidents graves (bagarre générale, voies de fait conséquentes, envahissement du terrain, arrêt de la rencontre, refoulement de personnes du banc de touche, nombre important d’exclusions, etc.), l'arbitre doit en informer sans délai les organismes intéressés (astreinte du pôle désignation de la DTA, service compétitions de la FFF ou de la LFP) […] ».
 
Simple mésaventure ou évènement familier ?
 Cet incident est pourtant loin d’être un acte isolé. En effet, des agissements similaires ont eu lieu à l’occasion d’autres rencontres pour les Championnats de France. En témoigne le match Nice – OM  du 22 août 2021, qui a (fâcheusement) marqué les esprits durant la 3eme journée de Ligue 1.
 
La rencontre a été définitivement interrompue à la suite d’un jet de bouteille par un supporter niçois sur un joueur marseillais. La Commission de discipline de la LFP saisie de l’affaire a décidé que le match serait à « rejouer sur terrain neutre et à huis clos ». Le Club niçois écope quant à lui d’un retrait d’un point ferme et de trois matchs à huis clos. Le Club marseillais, pourtant victime des agissements des supporters, se voit également sanctionné par la suspension de deux de leurs joueurs.
 
Sanction des clubs du fait de leurs supporters : que disent les textes ?
 En effet, il existe un principe selon lequel un club, professionnel ou amateur, est responsable de plein droit des comportements que pourraient avoir les supporters du club à l’occasion de manifestations sportives. L’objectif de cette mesure est de trouver un moyen de responsabiliser les clubs pour éviter qu’ils se déchargent de la sécurité des compétitions. Il est donc tout à faire envisageable pour un club d’être sanctionner du fait de leurs supporters.
En réalité, le principe à vocation à sanctionner les clubs pour leur propre faute, à savoir celle de ne pas avoir assurer correctement la sécurité et le bon déroulement des matchs. Les débordements causés par les supporters mettent en lumière le manquement du club à ses obligatoires, ce qui justifie une sanction à son égard.
 
Le Conseil d’état, dans une décision du 29 octobre 2007, confirme la responsabilité des clubs du fait de leurs supporters et vient poser le principe suivant : « Afin de lutter contre la violence dans les stades, de préserver l'ordre public et d'assurer le bon déroulement ainsi que la sécurité des compétitions sportives, plusieurs dispositions des règlements généraux de la Fédération française de football, notamment les articles 12 et 129, ont, au même titre d'ailleurs que diverses dispositions des règlements des fédérations internationale et européenne de football, prévu que les clubs seraient responsables vis-à-vis d'elle des agissements de leurs dirigeants, joueurs, supporters et spectateurs à l'occasion des rencontres sportives » (CE, 29 octobre 2007, n° 307736).
 
Quelle réaction de la FLP ? 
Réunie le 22 novembre 2021, la Commission de Discipline de la LFP a pris la décision « de mettre le dossier en instruction et prononce, à titre conservatoire, un huis clos total du Groupama Stadium jusqu’au prononcé de la mesure définitive ». De même, à l’issue de l’instruction qui sera rendue en date du 8 décembre 2021, la Commission statuera sur « le sort du match et la responsabilité de l’Olympique Lyonnais ».
 
Cette annonce de la LFP atteste que la victoire du match n’a été attribuée à aucun club bien que l’Olympique de Marseille aurait pu revendiquer la victoire de celui-ci, comme en témoigne la décision du Conseil d’état du 4 avril 2008 concernant la rencontre FC Nantes et FC Toulouse. Il avait été jugé « qu’en application des dispositions du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, lorsqu’un arbitre prend la décision d’interrompre définitivement un match, suite à l’envahissement du terrain par les spectateurs, la sanction de match perdu sera prononcée par la commission de discipline à l’encontre de l’équipe à domicile ». En effet, « la décision de match perdu était la sanction correspondant à l’incident en cause, en application de l’article 335 du règlement administratif de la LFP » (CE, 4 avr. 2008, n° 308561, 308562, Stade Rennais FC). Cette décision jurisprudentielle pourrait donc entrouvrir les portes d’une victoire au club victime des agissements des supporters de l’équipe adverse.
De même, la question de la responsabilité du club lyonnais, au regard des agissements de ses supporters, sera soulevée. A l’occasion d’un litige impliquant l’Olympique de Marseille, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rappelé le principe selon lequel « l'article 541 du règlement de la ligue de football professionnel, qui s'impose aux clubs participant aux compétitions de la ligue, stipule que le club visité est tenu pour responsable des incidents qui peuvent se produire dans l'enceinte du stade du fait de l'attitude des joueurs, éducateurs, dirigeants et spectateurs ou de l'insuffisance de l'organisation. Il se déduit de ces règles que chaque club en confrontation dans un match de la ligue de football professionnel est tenu d'une obligation de sécurité. Cette obligation leur impose de prendre toutes les mesures propres à éviter la survenance de dommages, notamment corporels » (Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Pôle 01 ch. 06, 23 septembre 2021 / n° 2021/364).
 
En conclusion, la décision de suspendre un match de football est à la seule initiative de l’arbitre, qui doit prendre en considération à la fois l’avis des délégués de la rencontre, des dirigeants des clubs et des représentants des autorités publiques et la sécurité des joueurs. Le retournement de situation de l’arbitre, les échanges conflictuels entre le préfet de région et la LFP, et le temps d’attente pour aboutir à une décision finale témoigne d’une fragilité dans le corps décisionnaire, et d’un règlement éventuellement trop vaste sur la procédure à mettre en place en cas d’incidents de matchs.
 
Monsieur Jean-Pierre CAILLOT, président du Collège de Ligue 1, a tenu à souligner dans un communiqué du 23 novembre 2021, publié par la LFP, que « la lutte contre la violence constitue une priorité majeure pour les clubs de Ligue 1. Aux côtés de la LFP, tous les clubs de Ligue 1 sont unis pour trouver les solutions les plus efficaces. L’objectif de tous est de revenir à une situation apaisée pour les acteurs du football qui nous font vivre chaque semaine le feuilleton préféré des amateurs de football. Les stades de football sont des lieux de fête, d’émotions et de partage ».